Les mystères du Temple de Diane
Avec la Tour Magne, il est le seul vestige romain encore visible des Jardins de la Fontaine. Mais à quoi servait donc ce monument situé dans le sanctuaire de la source ?
Le Temple de Diane a connu plusieurs destinées : on sait que cet édifice est constitutif de l’Augusteum, cet ensemble majestueux voué au culte impérial et donnant lieu à des pèlerinages thérapeutiques durant l’Antiquité.
Signalé par la Tour Magne, le sanctuaire était composé d’un triple portique monumental (dont on peut admirer une partie du fronton à l’entrée du Musée de la Romanité), d’un théâtre disparu, d’un nymphée et de cette construction énigmatique à flanc de colline. Passée l’entrée monumentale bordée de colonnades, autour d’une salle principale richement décorée, des couloirs latéraux inclinés permettaient d’accéder à l’étage en forme (probable) de terrasse à l’arrière de l’édifice.
Abbaye médiévale
Puis la romanité périclite au profit de l’ère chrétienne. Après les invasions, la société nîmoise se stabilise. Le « temple de Diane » en demeure un lieu névralgique associé aux affaires et au culte. En 991, il est transformé en abbaye : s’y installent les religieuses de Saint Sauveur de La Font, qui remanient un peu le bâtiment en y perçant des fenêtres. Elles prospèrent jusqu’au XVIe siècle grâce à leurs nombreux moulins. Puis leur monastère est détruit en 1567 lors des guerres de Religion. Jacques Philippe Mareschal, à qui l’on doit l’actuel aménagement du premier niveau des jardins, a voulu conserver ce vestige pour créer une ambiance et ajouter à l’atmosphère antique du lieu. Bien qu’en ruine, ce qui deviendra « le temple de Diane » traverse ainsi les siècles jusqu’au nôtre quasiment en l’état, inspirant au passage peintres prestigieux et poètes romantiques et suscitant de nombreuses interprétations quant à ses origines.
Ni temple ni Diane
En réalité, ce mystère reste à éclaircir. On est à peu près sûr que cette partie importante du sanctuaire augustéen n’était pas un temple et que Diane, déesse de la chasse, n’y était pas vénérée. « Le fait qu’il soit de plan basilical et associé à d’autres salles annexes, invite à lui donner une autre destination », résume l’historien nîmois Éric Teyssier dans Nîmes la Romaine. Était-ce une bibliothèque, comme le laissent supposer les nombreuses niches latérales de la salle principale ? Ces dernières auraient pu ainsi servir de rangements pour les manuscrits sur papyrus. Deux bibliothèques à Rome comportant des niches de même dimensions donnent crédit à cette hypothèse. Compte tenu de sa configuration, cette cella n’était à l’origine éclairée que par une petite ouverture au-dessus de sa porte d’entrée, ce qui devait en faire un lieu bien sombre, ambiance propice à la conservation des papyrus.
Une salle d’incubation ?
En revanche, la proximité des bains et de l’eau y est beaucoup moins favorable, ce qui pose question. Alain Veyrac, historien nîmois, penche plutôt pour une salle dans laquelle les pèlerins venaient dormir pour qu’au matin, les oracles interprètent leurs songes inspirés par ce lieu sacré : une salle d’incubation similaire à d’autres identifiées dans l’empire romain. C’est ce que suggère une inscription d’un certain Valérius Tatinus retrouvée sur le site et dédiée aux Parques « en accomplissement d’un vœu d’après ordre reçu en songe ». Éric Teyssier avance que «les prêtres auraient intégré les pratiques de mantique et de médecine par incubation » à des pratiques rituelles plus anciennes sur le site.
Décor inspirant
Conçu en pierre locale de Barutel et du Bois de Lens, le monument présente des motifs et décors encore partiellement visibles, avec des mosaïques, des piliers ornés de chapiteaux. Les frontons de ces niches, qui alternent demi-cercles et triangles, ont inspiré l’architecture classique de la Renaissance, tout comme de nombreux édifices nîmois (Hôtel de Bernis, de la Poste, Chapelle des Jésuites…).
Instagrammables jusqu’au bout des pierres, les ruines de ce monument romain servent aujourd’hui de décor idéal pour les shooting photos et les souvenirs de voyage.
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« On parle de Temple de Diane mais cette appellation est tardive. Les anciens ne savaient pas ce que c’était, ils avaient vu un bâtiment sans fenêtre donc ils pensaient que c’était un temple.»
Sophie Wilboz,
guide-conférencière de l’Office de tourisme.
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Alain Veyrac
Archéologue, enseignant-chercheur à Vauban,
auteur de Nîmes romaine et l’eau
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Quelles sont vos conclusions sur le rôle exact du temple de Diane ?
Je pense que c’était un nymphée (NDLR : sanctuaire dédié aux nymphes puis fontaine ornementale). Relié au grand portique, son entrée n’avait pas de battant de porte, c’était un espace semi-obscur et sans doute très humide. Or une bibliothèque nécessitait la protection et la surveillance des très précieux rouleaux de papyrus. De plus les niches, soulignées à l’origine par des décors végétaux, sont trop hautes et peu pratiques pour constituer des éléments de rangement. Les fouilles ont révélé la présence de bassins au pied de la façade, ses barbacanes auraient pu constituer des fontaines et ses niches accueillir des statues de nymphes. Le bassin que l’on désigne communément comme un nymphée avec son autel au centre des Jardins était d’après mes recherches plutôt une chambre d’immersion permettant d’équilibrer le niveau des eaux du site et d’obtenir un effet spectaculaire de montée des eaux.
Il était relié au sanctuaire par un portique en U. On aperçoit sa toiture à droite.