Le chef multi-étoilé Pierre Gagnaire : « Cette ville de Nîmes, elle a un truc ! »
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Connu et reconnu mondialement, Pierre Gagnaire dirige depuis quatre ans les restaurants de l’hôtel Maison Albar-Imperator. Il a tissé des liens particuliers avec Nîmes. Entretien.
Rencontre
Il est auréolé de 13 étoiles au Michelin, rien que ça. Il fut aussi élu plus grand chef de la planète en 2015. Pierre Gagnaire, qui dirige depuis 2019 les cuisines des deux restaurants de l’hôtel Maison Albar – l’Imperator, porte un regard intéressant et intéressé sur la gastronomie nîmoise et les produits locaux. Il répond aux questions de Vivre Nîmes.
Vivre Nîmes : vous êtes à la tête des restaurants le Duende (deux étoiles) et l’Impé de l’hôtel Maison Albar-l’Imperator depuis fin 2019. Comment a débuté cette histoire avec Nîmes ?
Pierre Gagnaire : Mon histoire avec Nîmes remonte à 2012. Nicolas Fontaine (l’actuel chef exécutif de l’Impé, originaire du Gard, qui travaille aux côtés de Pierre Gagnaire depuis près de 20 ans, NDLR), qui sait mon amour pour la tauromachie m’a dit : « Chef, il va y avoir une corrida extraordinaire à Nîmes, il faut que vous descendiez. » Il s’agissait de ce solo historique de José Tomás…
Moi, je n’étais jamais venu à Nîmes, j’allais plutôt en Espagne. J’y ai retrouvé des personnes que je connaissais, j’en ai rencontré d’autres, les deux ferias nîmoises sont devenues un rendez-vous important pour moi. Quelques années après, les gens qui portaient le projet de rénovation de l’Imperator m’ont approché. Au début, je ne voulais pas accepter !
Pourquoi cela ?
Nîmes, c’était mon moment privé, le seul de l’année où je passais deux-trois jours un peu tranquille, autour de ma passion pour la corrida. Ils ont su me convaincre, pas en termes d’argent mais par leur personnalité, par le projet. Comme tous les projets que j’entreprends, celui-ci est d’abord né d’une rencontre. J’ai accepté, en jurant bien de prendre un peu de temps libre pendant les ferias, ce que j’arrive à peu près à faire…
Je ne le regrette pas parce que Nîmes est une ville assez extraordinaire. Pour moi, c’était une découverte, entre Provence et Camargue, la mer n’est pas loin, les Cévennes non plus, il y a les vignobles, les maraîchers, l’huile d’olive, le port du Grau-du-Roi… C’est une belle région qui regorge de produits de grande qualité. Tiens, la brandade par exemple. C’est un morceau de bravoure cette brandade, on peut la décliner de mille façons, c’est un produit extraordinaire.
Bio express
Pierre Gagnaire naît en 1950 à Apinac, dans la Loire. Formé chez Bocuse, il ouvre son premier restaurant en 1981 à Saint-Etienne. Trois étoiles en 1993. Est élu « plus grand chef du monde » par ses pairs en 2015. Il dirige aujourd’hui 15 restaurants dans le monde (et cumule 13 étoiles au Guide Michelin) et signe la carte des 10 Fouquet’s de la planète.
Vous êtes à la tête de restaurants partout dans le monde, vous voyagez énormément. Avez-vous tissé des liens particuliers avec Nîmes ?
Oui, je crois. Les gens sont accueillants et ils sont à notre égard d’une infinie gentillesse. J’ai l’impression que les Nîmois nous aiment bien. D’abord, et je n’y suis pour rien, parce que l’Imperator a été très bien rénové, notamment les espaces communs et les restaurants, en respectant l’esprit des lieux. Pour les Nîmois, l’Imperator, c’est spécial, c’est vraiment « leur » hôtel.
Grâce à mes visites régulières depuis 2012, j’ai sympathisé avec une multitude de gens, avocats, pêcheurs, éleveurs, aficionados… Tout un réseau de gens qui sont bienveillants à notre égard et sont heureux qu’on soit là. Nîmes fait partie des lieux où j’ai vraiment du plaisir à passer du temps.
« La recette, c’est l’honnêteté, c’est la qualité des produits »
En seulement quatre ans d’existence (dont deux perturbées par le Covid), le Duende a obtenu deux étoiles au Michelin. Vous en avez 13 au total. Quel est votre secret ?
Il n’y a aucun secret. La recette, c’est l’honnêteté de ce que l’on fait, c’est la qualité des produits, des équipes, c’est l’engagement que chacun à son niveau met pour offrir au client quelque chose qui tient la route. Il faut apporter de la tendresse. La façon dont je travaille n’est pas un business, c’est presque un acte de foi…
Il faut prendre du temps avec les gens, leur apporter de l’attention. C’est ce supplément d’âme qui fait aussi que cela fonctionne. Mais je le fais parce j’ai du plaisir à faire plaisir, tout simplement.
Une bûche de Noël événement à l’Imperator
C’est un dessert beau comme l’antique, qui a demandé un an et demi de travail. La bûche de Noël imaginée cette année par les chefs pâtissiers de l’hôtel Maison Albar-l’Imperator, Lyece Major et Alexandre Brusquet, sous la direction de Pierre Gagnaire, est une reproduction gourmande et à l’échelle de la Maison Carrée de Nîmes. Une création produite à seulement 50 exemplaires, à commander sur place ou par téléphone au 04 66 21 90 30 (90 €, pour six personnes).
- Découvrez ici les secrets de sa fabrication en vidéo.
Avec cinq tables étoilées, Nîmes est devenue en quelques années une place forte de la gastronomie. Comment expliquez-vous pareil foisonnement ?
Ça me semble assez logique. C’est un territoire de produits, c’est aussi un lieu de passage, avec ce rapport particulier à l’Espagne et pas loin de Paris, grâce au TGV. Et puis c’est une belle ville, à taille humaine, avec ses monuments, ses jolis bâtiments, ses ruelles, ses commerces… Cette ville, elle a un truc ! Elle ne se pousse pas du col. Elle a ce côté un peu « débraillé » mais elle est aussi à la fois élégante et parfois austère, par son côté protestant.
Les acteurs économiques ou politiques jouent bien le jeu, les infrastructures existent, pour se loger, pour se nourrir… Il y a aussi l’inscription de la Maison Carrée à l’Unesco. Quand la pelote de laine commence à grossir, cela agrège plein d’énergies, de personnes qui viennent apporter leur pierre à l’édifice. Cela prouve la vitalité de cette ville, le paysage gastronomique en est le reflet.