Swan Soto : « Réaliser l’affiche de la Feria de Nîmes, c’est un peu le Graal »

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Publié le 01 février 2024Article

Par Mathieu Lagouanère


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L’ancien torero nîmois, vainqueur de la Cape d’or il y a 30 ans en 1994, signe l’affiche de la Feria 2024. Ses inspirations, sa technique, sa vie d’ex-matador : le peintre se raconte pour Vivre Nîmes.

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L’affiche signée Swan Soto

Vivre Nîmes : Vous signez l’affiche de la Feria 2024. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Swan Soto : Quand tu as été torero, que tu es de Nîmes, et que tu te lances dans une carrière dans la peinture, c’est un peu le Graal, et c’est forcément une idée qui te traverse l’esprit… C’est quelque chose d’assez intime mais cela fait longtemps que j’y pensais, que j’en rêvais. J’avais envie de participer à la grande aventure de l’affiche de la Feria de Nîmes.

Mais bon, ça n’a pas non plus été quelque chose d’obsédant pour moi. Je savais qu’en travaillant, en faisant des expos, en progressant, à un moment donné, la question se poserait peut-être et que ça se ferait naturellement si un jour ça devait être mon tour. C’est ce qui s’est passé.

Signer l’affiche de la Feria de Nîmes, c’est très symbolique pour moi et c’est aussi un peu une consécration, parce qu’il y a des noms très prestigieux qui l’ont fait. Toute mon enfance a été bercée par ces grandes affiches : celles de Barcelo, de Bacon, de Schnabel… Pour moi, c’est un honneur de leur succéder, mais c’est beaucoup de pression aussi.

Comment est née l’idée de cette affiche ?

Avant toute chose, je voulais que ce soit frais, joyeux et coloré. J’ai beaucoup regardé les affiches passées. L’affiche de la Feria, ça n’est pas une peinture. Elle doit être marquante, se voir de loin. Ce n’est pas forcément quelque chose de défini, c’est plutôt une ambiance graphique.

Au départ, j’avais imaginé quelque chose de plus « feria », qui englobait davantage tout l’aspect festif et puis finalement, je me suis dirigé naturellement vers quelque chose de plus taurin. C’était ma destinée, en fait.

Côté technique, comment avez-vous travaillé ?

J’ai commencé à travailler sur des esquisses avec de l’encre de Chine, souvent assez pure, parce que je voulais des couleurs assez puissantes. J’en ai réalisé beaucoup. J’ai fait à peu près 70 esquisses de l’affiche… C’était aussi très important de travailler les lettres. Je voulais que les lettres soient peintes, qu’elles ne soient pas rajoutées par ordinateur. Pour moi, ça fait partie entièrement de l’affiche

Pendant trois mois, je n’ai fait presque que ça : des esquisses, des esquisses

Pendant trois mois, je n’ai fait presque que ça : des esquisses, des esquisses. Jusqu’à trouver le format et la technique que je voulais employer. Ensuite, je me suis plus concentré sur l’image, sur le geste.

Justement, concernant le format : pourquoi avoir choisi de travailler sur un petit support pour une œuvre appelée finalement à être placardée en grand, voire très grand ?

C’est une question sur laquelle je me suis beaucoup interrogé et c’est Claude Viallat qui m’a donné le conseil de partir sur quelque chose de petit, parce que, m’a-t-il dit, une fois que l’œuvre serait tirée en grand, il allait « se passer quelque chose », un résultat impossible à atteindre en travaillant directement grand format.

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Swan Soto, dans son atelier nîmois du quartier Gambetta

Les taches, les traits ne seraient pas les mêmes. Le fait de faire des grands gestes comme ça, c’est très beau, mais travailler en petit puis agrandir ensuite les images, ça donne beaucoup de force au dessin. J’ai beaucoup misé sur ça avec l’envie d’être surpris, après, quand j’allais voir mon affiche sur les murs de la ville.

Parmi toutes vos esquisses, comment êtes-vous parvenu à un choix final ?

Déjà, tout n’était pas bon. J’ai épuré beaucoup pour essayer d’en retenir cinq ou six qui étaient vraiment, selon moi, valables. Ensuite, j’ai consulté des proches, des gens de confiance avant d’en présenter trois ou quatre à Monsieur le maire et à Sophie Roulle (Adjointe déléguée à la culture, NDLR), afin qu’eux aussi me donnent leur avis. Je n’avais pas envie d’imposer quelque chose, ça n’est pas du tout mon état d’esprit. On a choisi ensemble.

Ce 21 mai 1994 est l’un des plus beaux jours de ma vie

Cette année 2024 est particulière pour vous puisqu’elle marque aussi le 30e anniversaire de votre présentation en novillada piquée dans les arènes de Nîmes…

Ce 21 mai 1994 est l’un des plus beaux jours de ma vie. Quand tu es Nîmois, que tu rêves d’être torero, ton premier paseo dans les arènes de Nîmes, c’est exceptionnel ! Pour moi, ça reste un jour très important parce que c’était celui de la Cape d’or, que j’ai remportée en coupant deux oreilles à un toro. C’était un jour de triomphe.

Bio express

  • Né le 20 février 1976 à Nîmes.
  • Entrée au Centre français de tauromachie à 13 ans.
  • Présentation à Nîmes en novillada piquée le 21 mai 1994 (vainqueur de la Cape d’or).
  • Alternative le 19 mars 1998 à Benicarlo. 31e matador de toros français.
  • Torée une soixantaine de corridas en 10 ans, entre Europe et Amérique du Sud.
  • Acteur principal du court-métrage « le Matador » de Louis-Paul Desanges (2014).
  • Apodère le matador biterrois Carlos Olsina depuis trois ans.

Trente après, réaliser l’affiche de la Feria, ça symbolise mon parcours et toute mon affection pour cette ville de Nîmes. Quand je voyageais dans d’autres pays, en Amérique du Sud ou en Espagne, je me suis toujours présenté comme un torero français, mais d’abord comme un torero de Nîmes, et je me suis toujours senti ambassadeur de ma ville. Alors que ces deux dates se conjuguent, c’est quelque chose de très beau.

Conservez-vous des souvenirs encore vivaces de vos passages dans les arènes de Nîmes ?

Oui, oui, bien sûr. De novillero, j’y ai toréé beaucoup parce qu’ayant gagné la Cape d’or, j’ai été répété plusieurs fois. À cette époque-là, il y avait encore la Feria sous la bulle, en février, donc, il y avait beaucoup de novilladas. Cela m’est arrivé, dans la même saison, de toréer trois fois à Nîmes.

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Le petit Swan Soto, 7 ans, dans son premier habit de lumière offert par son père

Ensuite, de matador, j’y ai débuté en 1999 et j’y ai toréé six corridas de toros. Donc, oui, bien sûr, j’y ai des souvenirs très forts. C’était toujours un rendez-vous très important et avec beaucoup de pression parce que c’est Nîmes, d’abord, et que je toréais devant ma famille, devant tous mes amis. J’ai encore en moi les très grandes sensations vécues dans ces arènes.

Dans les toros, tu dois travailler au quotidien, t’entraîner, te préparer. Dans la peinture, c’est pareil 

La tauromachie hier, la peinture aujourd’hui : quel parallèle peut-on tisser entre les deux arts ?

Le parallèle, c’est la constance. Il s’agit, pour l’un comme pour l’autre, de se dédier à ça, d’y consacrer tout son temps. On ne peut pas pratiquer en dilettante ! Dans les toros, tu dois travailler au quotidien, t’entraîner, te préparer. Dans la peinture, c’est pareil : pour acquérir une certaine dextérité, il faut pratiquer sans relâche, s’intéresser à l’Histoire de l’art, aux autres peintres…

Moi, je me suis rapproché de la peinture parce que j’étais passionné par les peintres. Je suis venu à la peinture par les tableaux, mais aussi par les personnes.

En quoi la tauromachie est-elle un sujet graphique ?

Au tout début, quand j’ai commencé à peindre, je ne me suis pas du tout dirigé vers les toros. Peut-être parce que je pensais que ça viendrait, que ça serait naturel. Ensuite, quand j’ai commencé à m’y pencher, j’ai constaté que c’était un sujet très difficile. Beaucoup de choses ont été faites, beaucoup de peintres s’y sont penchés, ça ce n’est pas un sujet évident…

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Un travail à l’encre de Chine, sur des supports petit format

C’est très graphique la corrida, c’est très lumineux. Mais il est difficile de retranscrire une émotion, un instant… Personnellement, en ayant été torero, je suis vraiment exigeant avec la technique du toreo : j’essaie d’être cohérent, ce qui n’est pas évident.

En peignant des passes, revivez-vous parfois les émotions ressenties en piste ?

Les émotions ne sont pas les mêmes. Si quelque chose se rapproche de ce que l’on ressent dans l’arène, où tout est instantané, ce serait peut-être la recherche de la spontanéité. De travailler beaucoup en amont et au moment où tu fais un geste, de t’y livrer totalement, spontanément. Là, il y a parfois des similitudes.