L'occitan à Nîmes : une langue vivante !
Culture
Patrimoine
A Nîmes, labellisée récemment cité mistralienne, de nombreuses structures travaillent pour la promotion de ce patrimoine, toujours vivant.
La Ville de Nîmes a signé, en octobre dernier, la charte « cité mistralienne » avec la fondation Felibrige. Créée en 1854 par Frédéric Mistral et un cercle de poètes provençaux, l’association s’est donnée pour mission de sauvegarder et promouvoir la langue d’oc, ainsi que l’ensemble du patrimoine culturel et identitaire des territoires où cette langue est parlée.
Faire rayonner la langue occitane
Au 4 rue Fernand-Pelloutier, la Maison d'animation et de recherche populaire occitane (Marpoc) et l’Institut d’estudis occitans du Gard (IEO 30) jouent un rôle crucial pour la reconnaissance et la socialisation de la langue et de la culture occitane. « Nous organisons chaque année des Universités occitanes d’été, explique Patrick Lapierre, le président de la Marpoc. Durant une semaine, plus d’une centaine de personnes se retrouvent à Nîmes pour des conférences et des tables rondes, des projections, des émissions de radio en direct, mais également pour passer des soirées festives avec des concerts d’artistes locaux. »
Côté section départementale de l’IEO, les actions sont également nombreuses : service de traduction, expositions, cours d’occitan ou stage de théâtre pour enfants. « Notre but est de faire connaître la vitalité, la qualité et surtout la diversité de la création culturelle occitane actuelle, indique Estelle Mazodier, présidente de l’association fondée en 1950. Chaque fin d’année depuis plus de 10 ans, nous organisons un concert avec des artistes de renoms. Le samedi 7 décembre au théâtre Christian-Liger, ce sont nos voisins sommiérois du groupe Garric qui viendront faire bouger le public en mêlant l’occitan à de nombreuses influences musicales, de France et d’ailleurs. »
7%
c’est le nombre de locuteurs occitan dans le sud de la France
Tout le monde parle occitan !
A Nîmes, l’école de la Calandreta Aimat-Serre, située au Mont Duplan, enseigne aux élèves de maternelle et primaire, 82 cette année, à être parfaitement bilingue. « Les enfants suivent tous les cours en occitan, que ce soit en maths, en histoire ou en géographie. Seul le français n'est évidemment pas concerné, explique Laurence Debotte, directrice de la Calandreta, nous suivons le programme de l'Éducation nationale, mais en occitan. La lenga d’oc est même enseignée jusqu’à l’Université. Chaque année, des dizaines de diplômés décrochent leur premier emploi dans une entreprise, une structure publique ou une association grâce à leurs compétences en langue occitane. »
Quelques expressions d’origines occitane
Bouffer Bofar, bufar (en raison du gonflement des joues de celui qui se goinfre)
Cramer Cremar / cramar (brûler)
Fada Fadat (fou. Littéralement, charmé, possédé par les fadas, les fées)
Panade De panada (soupe à base de pain et d’œufs, un plat de pauvre)
Pétanque Petanca (vient de l’occitan a pè tancat, les pieds joints).
Extrait du livre de Florian Vernet, Que dalle ! Quand l’argot parle occitan, IEO Editions, 2007
« Parler Pointu » de Benjamin Tholozan au théâtre le Périscope les 5 et 6 décembre
« Jouer ce spectacle à Nîmes, à moins de 500 mètres de la maison de mon grand-père, c’est forcément particulier. »
Benjamin Tholozan a grandi à Nîmes et son accent il l’a perdu avec le temps et sur les scènes de théâtre. Impossible de déceler dans son phrasé la moindre intonation méridionale, le moindre mot hérité du patois roman de ses ancêtres. Pourtant lorsqu’il revient à Nîmes il retrouve son accent, comme une sorte de mimétisme inconscient. Cela tombe bien, puisque les 5 et 6 décembre il jouera « Parler pointu » au théâtre le Périscope, un spectacle qui traite avec humour et émotion de l’abandon progressif des parlers régionaux et des accents, et de ce que cette perte revêt à la fois d’intime et de politique. « Dans ce spectacle on évoque l’histoire des langues régionales, comment elles ont été réprimés, voir éradiqués pour certaines. Finalement, c’est un spectacle sur la construction de la langue française et sur la honte qui a marqué les langues régionales pendant longtemps. On remonte également jusqu’au XIe siècle et on s’intéresse à la Croisade des albigeois, au moment où les territoires où on parlait occitan ont été conquis et que le roi de France a annexé ces territoires. »
« Mon grand-père me disait souvent que je parlais pointu ». Parler pointu est une expression que les méridionaux utilisent pour désigner l’accent parisien, en réalité celui du français normatif parlé dans les médias, et sur les scènes de théâtre. Mais comment Benjamin Tholozan a pu perdre son accent ? Comment cet héritage s’est perdu au fil des générations ? Mes grands-parents parlaient le patois et je connaissais des expressions par cœur. Mais très jeune, j’ai pris des cours de théâtre et puis j’en ai fait mon métier. Dès le départ, on nous disait qu’il fallait gommer notre accent pour jouer certains textes comme Molière, Racine ou Victor-Hugo parce que cela ne faisait pas sérieux, que l’accent du sud était plutôt réservé à la comédie. On avait des cours de diction spécifique. Dans la fiction on entend très rarement les accents régionaux, et quand on les entend c’est toujours lié à une caricature. Les personnages avec un accent du midi prêtent à rire, sont des bons vivants mais jamais très profonds ou sophistiqués. C’est souvent plein de clichés. Je trouve cela incroyable que nous ayons toujours la même façon de prendre la parole sur scène ou au cinéma. Je voulais faire un spectacle drôle et presque malgré moi il est devenu aussi politique et militant. »
Un peu d’histoire
On appelle occitan, ou langue d’oc, cette langue latine parlée dans quatre régions du sud de la France, délimité par l’Atlantique et la plaine du Pô (en Italie), le Nord du Massif central et les Pyrénées. Au Moyen-Âge, l’occitan est largement utilisé à l’écrit. Au XXe siècle, la langue d’oc se dote d’une orthographe unifiée, dite classique, inspirée de la graphie des troubadours. En Provence, une autre graphie, dite mistralienne, reste courante à côté de la graphie classique. C’est la scolarisation massive, dès la fin du XIXe siècle, qui imposera le français comme langue de communication et conduira, jusqu’à l’après Seconde Guerre mondiale, à interrompre la transmission familiale de la langue. La langue d’oc reste présente à travers des expressions verbales du sud de la France, l’histoire, le patrimoine ou encore dans la vie culturelle.
Le saviez-vous ?
Il existe :
- Un Office public de la langue occitane (OPLO) né en 2016 de la conviction partagée entre l’Etat et les Régions de la nécessité de soutenir et renforcer les politiques partenariales menées en faveur de la langue occitane.
- De nombreux dictionnaires et traducteurs en occitan comme Dico d’oc, Revirada ou Votz.
- Une web radio : radiolengadoc.com, une chaîne de télévision en ligne : octele.com et même une entreprise qui double des films et des dessins animés en occitan : contam.fr
- Des YouTubeurs comme Parpalhon Blau qui fédèrent des communautés de plusieurs milliers de membres.