L'ACTUALITÉ DE LA VILLE DE NÎMES

L'ACTUALITÉ DE LA VILLE DE NÎMES

Les Halles de Nîmes ouvrent leurs portes à 7 heures. Mais, pour les étaliers, la journée commence souvent bien plus tôt. Avant l’aube. Reportage.

Quand il se pointe dans les Halles de Nîmes, songe-t-il seulement, le chaland de midi passé, bien heureux d’y trouver encore le sourire de la crémière, un poissonnier aussi frais que ses daurades ou un primeur qui garde la banane, que tous ont déjà un bon paquet d’heures dans les pattes ? Les étaliers du marché couvert (qui fête ses 140 ans d’existence cette année) commencent leurs journées tôt, très tôt, dans le noir, quand ni le jour ni leurs clients ne sont encore levés. Ambiance.

Les primeurs sont les premiers

Il est cinq heures, les Halles s’éveillent. Le week-end, ou plus encore en période de fêtes, cela peut être 2 ou 3 heures du matin. Les primeurs (certains sont passés au Marché gare avant pour ravitailler) sont les premiers : fruits et légumes réclament énormément de travail de manutention. À l’Étal bio, tandis que sa fille Laurine veille aux agrumes, Christophe Clément trie les champignons de Paris. Un par un. « Il faut être vigilant, la marchandise s’abîme très vite », explique celui qui répète ces mêmes gestes ici depuis plus de 35 ans.

En s’appliquant sur la mise en scène : par couleur, ou par thème. Soupe de légumes en ce moment, ratatouille en été. « Le client a tout à portée de main, sans forcément s’en apercevoir. Bien présenté, bien vendu. » Après la fermeture, il restera encore une bonne heure de « remballe ».

Les bouchers, en coupe réglée

Eux, c’est en coulisses qu’ils s’affairent. Sous-sol, box numéro 34. Le chef d’atelier Thomas Moreso et les bouchers de la Ferme du Cantal ont la lame facile : ils coupent, découpent, hachent et ficellent les morceaux que Cyprien Carel et son équipe de vente installent dans la vaste banque du rez-de-chaussée.

Six heures, les grilles s’ouvrent aux livreurs, de nouvelles carcasses passent de dos d’homme (une cuisse de bœuf peut peser 90 kilos) aux crochets de la chambre froide. Aux Halles de Nîmes, la Ferme du Cantal écoule près de deux tonnes de viande par semaine.

Les poissonniers ne restent pas de glace

La veille, il a passé l’après-midi à la criée du Grau-du-Roi. Réveil entre 2 et 3 heures, détour pour récupérer le reste de marchandise venue de l’Atlantique : Dominique Riera et ses inamovibles bottes plastique appareillent aux Halles vers 5h30. Première opération, manier la pelle à neige, pour étaler le blanc lit de glace qui accueille écailles et tentacules disposés avec soin.

« La présentation, c’est très important, insiste ce poisson ascendant poisson (ça ne s’invente pas), qui a repris la maison Carmen il y a 10 ans. Par respect pour la marchandise et pour le boulot des pêcheurs. Et essayer de se démarquer : dans les Halles, il y a de la concurrence ! »

Pause-café

Normalement, la buvette ouvre à 6 heures. Didier Etienne est là au moins une heure avant. Plateau en main, il navigue d’étal en étal au pas de course, et jusque dans les réserves du sous-sol même, pour servir ses camarades lève-tôt. « Un jour, je mettrai un podomètre pour savoir combien je parcours par jour… » Ici une noisette, là deux sucres, plus loin un allongé : le serveur (faussement) râleur connaît les habitudes de chacun.

Le petit café, quand il arrive, c’est le moment d’une pause, entre étaliers. « On discute, on partage une gourmandise, glisse le charcutier Gilles Clou. C’est notre moment à nous. Parce que, ensuite, quand ça démarre, on n’a pas trop le temps de se voir… »

Le fromager, pas du genre coulant

6h30, les premiers clients apparaissent, et, avec eux, les promesses de l’aube. Dans les allées, pour les diables, c’est la dernière danse. Les étaliers enfilent leur costume de vendeur, leur seconde journée commence. Mais tiens, aux Fromages de Sylvain, on s’affaire encore sur des palettes, dans l’allée…

La semaine passée, Sylvain Crégut était à Rungis pour y choisir en direct la crème des fromages français : la commande, grosse commande, vient juste d’arriver. Vite, il faut tout répartir en réserve (lui a la chance d’avoir un passe-plat sur son étal ; celui de l’historique Fernand Prat), dans la cave d’affinage ou sur le stand. Avant, à l’aide d’une sonde, il vérifie que les produits choisis à Paris sont bien ceux qui sont arrivés et qu’ils n’ont pas de défaut. « Pas question de transiger sur la qualité », souligne-t-il, bonne pâte, mais ferme.

Par Mathieu Lagouanère

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