L'ACTUALITÉ DE LA VILLE DE NÎMES

L'ACTUALITÉ DE LA VILLE DE NÎMES

C’est la première exposition institutionnelle française pour l’artiste américain, initiateur du concept de « post-blackness » qui a inspiré le mouvement Black Lives Matter. Elle s’intitule « Post-noir » et aborde le sujet de prédilection de l’artiste : le racisme ordinaire et son évolution au fil des générations, le rejet de la différence et la place de l’identité noire dans la société américaine.

Jusqu’au 20 novembre, l’artiste « star » new yorkais initiateur du mouvement « post blackness » et inspirateur de celui de Black Lives matter, présente au premier étage de Carré d’Art une exposition d’oeuvres récentes ou issues de séries réalisées ces dix dernières années. C’est la première fois que l’artiste, auquel le New York Times a consacré récemment un dossier, présente une exposition personnelle en France. Artiste conceptuel membre de l’Académie américaine des Arts et des Sciences, proche de la famille Obama, son travail débute dans les années 80 dans le registre de l’expressionnisme abstrait. Très vite, il introduit au pochoir des extraits de textes d’écrivains afro-américains (James Baldwin, Zora Neale Hurston et Ralph Ellison) à ses peintures qui reflètent ses préoccupations politiques autour de l’identité noire. Le geste est répété, superposant les couches jusqu’à un point d’illisibilité, exigeant un effort de déchiffrage, comme un point de rupture entre le figuratif et l’abstraction. « Le langage accède ainsi à une matérialité » expliquait cet après-midi l’artiste en présentant l’exposition.

Il utilise differentes techniques pour mettre en évidence les systèmes de valeurs sociales et politiques qui donnent un sens à ces textes et la manière dont ils sont modifiés ou soulignés par l’œuvre. A travers le pochoir, la peinture, mais aussi le détournement, le néon, il élabore une critique de la société et de l’histoire américaine, s’interrogeant sur la place de la différence, dans toutes ses multiplicités, avec « Post-noir ». Une traduction du concept « post blackness » qui évoque la situation des générations afro-américaines actuelles, héritières de la ségrégation et de l’esclavage, et leur place dans la société américaine aujourd’hui.

Néons
A Nîmes, l’exposition dresse un panorama des différentes séries et techniques utilisées par l’artiste. Elle commence par des néons reproduisant à l’envers le mot América. Commencés en 2008, ces néons transforment le mot «America» en le recouvrant de peinture noire, en le retournant, en l’inversant ou en le faisant clignoter « comme une enseigne cassée« , le traitant comme un matériau linguistique à manipuler et à modifier. Glenn Ligon a trouvé intérressant dans l’accrochage de jouer avec les reflets des vitres de Carré d’Art , reflets qui proposent une nouvelle version de l’oeuvre. C’est en référence aux paysages de Caspar David Friedrich, dans lesquels les personnages sont toujours peints de dos, laissant planer le doute sur leur identité, que le mot America est détourné. Plus loin, un autre néon Negro sunshine, est une installation réalisée à partir d’une expression figurant dans le roman de Gertrude Stein « Three Lives » (1909). Sortant ce terme du contexte du livre, il met en évidence sa contradiction et sa violence.

Champ de débris
Dans ses peintures à l’huile et sérigraphies de grand format Debris Field, l’artiste concentre son attention sur des formes de lettres isolées et des marques non linguistiques plutôt que sur des mots lisibles. Ces formes flottent à la surface de la toile, générant une série de compositions rythmiques improvisées et créant finalement un système ouvert qui permet à l’artiste d’explorer, selon ses propres termes, «la possibilité du sens, les éléments du sens». Les couleurs sont partiellement inspirées des peintures «Death and Disaster» d’Andy Warhol des années 1960 ainsi que de la couverture du livre «The Fall of America» d’Elijah Muhammad, ancien leader de la Nation of Islam, paru en 1973 : noir et blanc (évidemment) mais aussi rouge, « couleur du danger et du péché« .

Stranger
Il présente un nouveau diptyque monumental de 14 mètres de sa série Stranger débutée en 1996. Il inclut le texte intégral, reproduit au pochoir avec une encre composée d’huile et de charbon, de l’essai fondateur de James Baldwin de 1953, «Stranger in the Village», dans lequel Baldwin raconte son séjour dans un petit village suisse, où la plupart des habitants n’avaient jamais rencontré d’homme noir auparavant. Ligon utilise le récit de Baldwin, qui établit des liens entre les contextes culturels des États-Unis et de l’Europe aux séquelles du colonialisme. Par sa taille, l’oeuvre invite à la pause « paysage » comme dans un Caspar David Friedrich, produisant là aussi un effet de vertige.

Coloring
Sont également exposées des peintures inspirées d’ateliers avec de jeunes enfants dans le cadre d’une résidence au Walker Art Center de Minneapolis en 1999-2000. Ligon a choisi des illustrations afrocentriques des années 1960 et 1970 que les enfants devaient colorier, puis a reproduit les résultats sur de grandes toiles pour créer une série de peintures intitulée Coloring. Remarquables pour leur couleur et leur figuration joyeuses, les œuvres de Coloring explorent la distance entre la créativité débridée de l’enfance et les notions conventionnelles du portrait, notamment en ce qui concerne des icônes telles que Malcolm X.

Hands
A partir d’un cliché repris d’un journal représentant une manifestation d’afro-américains en 1995, il agrandi l’image de telle sorte qu’elle s’assombrit et se détache de son contexte. Se pose aussi la question de l’exclusion des femmes noires qui n’étaient pas invitées à y participer, niées par défaut à l’échelle de ce mouvement. L’artiste pose un regard distancié et s’intéresse à l’évolution des stéréotypes, soulignant par ailleurs les évolutions positives quand elles existent, suggérant un perpétuel mouvement.

Du mardi au vendredi de 10h à 18h et de 10h à 18h30 samedi et dimanche. 8 € tarif plein et 6 € tarif réduit, gratuit pour les – de 18 ans et pour tous le 1er dimanche du mois. Visites guidées tous les jours à 15h et 16h30 en juillet et août (+ 3 €) et médiateurs en permanence en salle (gratuit), ateliers pour enfants. www.carreeartmusee.com

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