DOSSIER
L’agriculture péri-urbaine, un atout pour Nîmes
Des terres à préserver
Cultiver, une histoire de famille
Jardins de ville : le vent en poupe
L’agriculture péri-urbaine :
un atout pour Nîmes
Près d’un tiers du territoire nîmois est composé d’espaces agricoles. Les citadins que nous sommes pour la plupart ont tendance à oublier cette singularité de notre paysage et de notre économie, héritée d’une longue tradition de cultures nourricières. Un patrimoine à préserver et une opportunité de développement pour notre cité.
Des enjeux majeurs du XXIe siècle
Artificialisation des sols, réchauffement climatique, nécessité de développer une autonomie en circuit court : consciente des enjeux environnementaux du XXIe siècle, la Ville de Nîmes est engagée depuis plusieurs années dans la préservation et la valorisation des espaces agricoles de son territoire. Au nord comme au sud ont été sanctuarisés, lors de la révision du Plan local d’urbanisme en 2018, le secteur des garrigues habitées, où les capacités de construction sont désormais très limitées, et celui de la plaine cultivée. « Une charte pour la préservation et la compensation des espaces agricoles a ainsi été signée avec la Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural, afin de lutter contre l’artificialisation des sols nourriciers en 2017 » précise Pascale Venturini, adjointe déléguée à l’environnement et à la transition écologique. La moitié des mas agricoles, bâtis traditionnels souvent accompagnés d’alignements d’arbres, sont classés comme remarquables et bénéficient d’une protection, tout comme les haies. « Pour faire face au développement de sa population, c’est désormais “sur elle-même”, dans son propre tissu urbain, que la ville se renouvelle », expose Julien Plantier, premier adjoint délégué à l’urbanisme. « Il n’est plus envisageable de développer la ville sans y adjoindre des espaces naturels ou agricoles. Par exemple, avec le Mas Lombard, ce sont 15 hectares qui seront valorisés pour de l’agriculture urbaine. »
29 %
de zones agricoles
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110
mas agricoles
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2,2 %
de la population active, soit 1 684 emplois
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100
exploitations
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Des terres à préserver
Balade gastronomique en Costières de Nîmes les 20, 21 et 22 mai.
« Les «vignes toquées» reviennent sous le parrainage de Daniel Picouly.Réservation à partir du 7 avril sur costieres-nimes.org
À L’ÉCHELLE DE L’AGGLOMÉRATION
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Nîmes Métropole travaille de son côté à la consolidation des ressources du bassin agricole nîmois à travers la mise en place d’un projet territorial alimentaire (PAT), afin d’encourager des filières locales en circuits courts. Elle organise chaque année les Journées Méditerranéennes des saveurs (prochain rendez-vous du 13 au 15 mai sur l’Esplanade) et développe l’éco pâturage sur les espaces communautaires.
Le Clos de la fontaine, parcelle de vignes aux Jardins de la Fontaine, symbolise la volonté de valoriser un terroir local ancestral.
Bernard Angelras,
adjointe déléguée au logement social, à la solidarité et aux échconseiller délégué à la propreté urbaine et à l’agriculture, président du syndicat des Costières de Nîmes, président de l’Institut Français de la Vigne et du Vin et de la commission environnement de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité.
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Quelles sont les actions menées
par la Ville en faveur de l’agriculture locale ?
Elle a sanctuarisé ses espaces et de nombreux mas agricoles dans son Plan Local d’Urbanisme afin de les préserver. Elle valorise les circuits courts et de qualité, avec une large part au bio, dans ses restaurants scolaires à travers un partenariat étroit avec la Chambre d’Agriculture. Le terroir des Costières, vecteur d’attractivité internationale, est valorisé à travers sa charte paysagère signée en 2007 (la première en France, une initiative de Jean-Paul Fournier), la création des vignes des Jardins de la Fontaine, et de multiples événements partenaires : Jeudivins, Nîmes Toquée… Enfin la Ville dispose de parcelles laboratoires sur ses espaces naturels (fruitiers, oliviers, …) et travaille avec Nîmes Métropole à la création d’une vigne adaptée au réchauffement climatique au mas de Vallongue, en partenariat avec l’Institut Français de la Vigne et du Vin.
Pourquoi l’agriculture urbaine est-elle une chance à Nîmes ?
Nous disposons d’un terroir très fertile, l’un des meilleurs d’Europe, et celui-ci doit absolument être préservé de l’étalement urbain pour faire face aux nouveaux enjeux environnementaux et géopolitiques. Le réchauffement climatique est une réalité qui va engendrer des pénuries d’eau et des flux migratoires, la guerre en Ukraine met notamment en exergue les problématiques de pénurie de blé. Il faut donc garder une agriculture de proximité, tant pour le développement de l’autonomie alimentaire que pour stocker, par des variétés adaptées au climat, un maximum de CO2.
Pourquoi l’agriculture urbaine est-elle une chance à Nîmes ?
Pour le cultivateur que je suis, la proximité de la ville est à la fois pratique et engendre certaines nuisances. Pendant longtemps, on a considéré les paysages agricoles comme une réserve foncière, et cela a grignoté les terres exploitables. Cap Costières, Family Village, Ville Active étaient des champs cultivés, avec des sources naturelles. Les citadins ne connaissent pas les contraintes du monde agricole et ont tendance à l’appréhender comme un lieu de promenade. Nous devons faire face aussi aux vols de culture et de matériel, aux dépôts sauvages ou à la cabanisation des terrains qui est très complexe à déloger.
Cultiver, une histoire
de famille
Aux portes de la ville, entre traditions et innovations, des professionnels animés par la passion de leur métier perpétuent un héritage familial.
Les sauts à l’élastique du haut de la tour Avogadro à Valdegour, comme lors de l’événement Turbul’ en Chap, resteront dans les annales.
Le Château de la Tuilerie soigne son image de marque
Propriété de la famille Comte, le domaine du Château de la Tuilerie, situé sur la plaine de Garons, possède 54 hectares de vignes d’un seul tenant en production grenache, syrah, mourvèdre, grenache aux Grands Chais de France depuis 2014. Arrivé à la tête de l’exploitation deux ans plus tard, Laurent Couderc y poursuit l’élaboration de vins typiques de l’AOC Costières de Nîmes dont les assemblages se font dans de hautes cuves en ciment. Depuis cette année, la culture conventionnelle s’accompagne d’un plan de réduction d’intrants chimiques (désherbants notamment) et du recours à un outil de travail de désherbage mécanique qui devrait concerner 90 % du vignoble d’ici trois ans. La production – 70 % de rosé, 20 % de rouge et 10 % de blanc – se répartit entre export (entre 200 000 et 250 000 bouteilles de rosé partent vers les États-Unis chaque année) et distribution locale. On trouve les vins du Château de la Tuilerie chez les cavistes, les restaurateurs nîmois et le domaine s’associe à tous les événements forts de la ville, Jeudis de Nîmes, Feria, Journées méditerranéennes des saveurs… Une collaboration et une présence essentielles à son image de marque.
237, chemin de la Tuilerie à Nîmes –
www.chateautuilerie.com
Paul Ferté, le paysan boulanger qui ressuscite les variétés anciennes
« L’agriculture péri-urbaine, c’est la contrainte d’une pression foncière avec un prix à l’hectare qui augmente, mais c’est aussi une formidable opportunité pour les circuits courts. » Aux confins sud-ouest de Nîmes, Paul Ferté produit un blé ancien, la touzelle, qu’il transforme ensuite lui-même en pain après avoir réalisé sa farine dans son propre moulin à meule de pierre. Un pain doux au levain, léger en gluten et riche en minéraux. Cette variété précieusement sélectionnée par les paysans qui l’ont cultivée à travers les siècles servait de monnaie d’échange autrefois. Se définissant comme paysan (« celui qui appartient à un pays »), ce fils d’une famille d’agriculteurs installés depuis plus de deux siècles dans ce mas, pionniers du bio, concentre son activité sur 25 hectares. « Pour enrichir les sols, j’effectue des rotations : luzerne, pois chiche, engrais vert », explique ce porte-parole de la Confédération paysanne, fervent défenseur d’une agriculture durable, qui vend ses pains après commande sur internet ou points de dépôts (Biocoop des 7 collines, Local Bio…).
Chemin du Mas de Mayan.
http://app.cagette.net/masdemayan
Au Mas Sagnier, l’engagement pour la relève
Dans la famille Bonfils, on a la fibre de l’engagement. Jean, le père d’Yves, fut responsable agricole et président de la cave coopérative de Saint-Césaire, une “figure” du monde agricole. Yves, actuel exploitant, a pris sa suite à la fin des années 60 à la tête des 78 hectares de la plaine de Saint-Césaire aux portes de Nîmes. Viticulture, céréales, cultures maraîchères et… engagement puisqu’il a été secrétaire général adjoint des Jeunes Agriculteurs et président de la Fédération des coopératives de fruits et légumes du Languedoc-Roussillon. À cet héritage, il a apporté sa touche personnelle avec la culture du melon, intéressante parce qu’elle permet de suivre tous les cycles de la nature. Sur l’exploitation, l’agriculture est raisonnée, quasiment sans produits chimiques, et la production (tomates, poivrons, courgettes, aubergines, salades, melons et huile d’olive) se vend à la ferme, entre le 15 juin et le 10 septembre. Côté vignes et céréales, Yves Bonfils a mis à disposition ses terres à deux jeunes agriculteurs qui voulaient s’installer. Aider la relève, c’est sa plus grande fierté.
510, chemin du Mas Sagnier – 06 09 98 37 80
En 1985, Marc Bastide, le père, a pris la tête de l’exploitation familiale à la suite de son grand-père. Route de Générac, autour du Mas Petit, 100 hectares de céréales, de semences et un peu de maraîchage. Ici, on pratique l’agriculture à haute valeur environnementale (HVE), c’est-à-dire une agriculture raisonnée globalisée sur l’environnement de toute l’exploitation et contrôlée par un organisme tiers. Cela va de la réduction des produits chimiques à la gestion des haies en passant par le traitement de tous les déchets (huiles de tracteur, plastique, bidons…). En 2019, Nim’grain, déjà rejoint par Rémi, le fils, investit dans un moulin pour fabriquer des farines (blé tendre, seigle, pois chiche, lentilles, maïs, sorgho…) commercialisées au Mas des Agriculteurs. Succès immédiat pour ces produits simples et de qualité en phase avec les attentes des consommateurs. Un deuxième moulin tourne depuis 2020 et des pâtes sont venues rejoindre les farines. Elles sont vendues sur place à la boutique, où certains restaurateurs nîmois ont leurs habitudes, et dans plusieurs magasins nîmois. Des farines, des pâtes et aussi du maïs pop-corn en attendant les nouveautés que Marc et Rémi Bastide ont déjà en tête…
13, route de Générac. Ouvert les mardi, mercredi et vendredi de 8h à 12h et de 14h à 18h, le samedi de 8h à 12h.
« « La Ville est un partenaire historique de la Chambre d’agriculture du Gard. Ensemble, nous avons renforcé les circuits courts dans les restaurants scolaires de Nîmes, une action visionnaire puisque la loi Egalim est venue conforter ces choix. La collaboration fructueuse avec tous les élus du bassin nîmois et alésien nous permet aujourd’hui de viser la souveraineté alimentaire céréalière grâce à la réactivation de cette culture sur les friches agricoles. »
Magali Saumade
Présidente de la Chambre d’agriculture du Gard
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Jardins de ville : le vent en poupe
Cultiver la terre en milieu urbain, c’est possible. La Ville développe des actions pour valoriser l’identité agricole et environnementale de ses quartiers et créer du lien entre les habitants.
Parc Jacques Chirac : En 2024, la première partie du parc mettra à l’honneur le passé horticole du site des pépinières Pichon réaménagé. © Alep paysagistes
Cultiver et animer les quartiers
Un ensemble d’avantages que la Ville entend intégrer dans ses projets de renouvellement urbain. Dans les quartiers concernés par la rénovation urbaine, des espaces dédiés au jardinage voient le jour. Une première expérience concluante a été initiée au Chemin Bas d’Avignon en face du centre municipal André Malraux où la Ville a aménagé une parcelle. Les habitants se sont fédérés au sein d’une association, Notre beau jardin, pour cultiver mais aussi organiser des actions ludiques et pédagogiques avec le centre. Un lieu de vie qui anime le quartier, engage le voisinage à respecter l’endroit en veillant à son entretien et à sa propreté. Face à ce succès, une deuxième tranche est programmée pour 100 000 € cette année, avec des espaces paysagers et des jeux pour enfants.
Des jardins partagés au menu de la rénovation urbaine des quartiers populaires.
Parcelles partagées à Pissevin
À Pissevin, ce sont 18 parcelles de 70 m2 qui viennent d’être créées près du centre d’animation de vie sociale Léon Vergnole. Un investissement de 118 000 €, financé en grande partie par la Dotation Politique de la Ville et à la demande des habitants. Ces derniers, accompagnés par la Maison de Projet, se sont regroupés dans une nouvelle association, Hortuli, en référence aux jardins des classes moyennes de la Rome antique. « Nous avons voulu faire un lien symbolique entre le quartier et le centre-ville de Nîmes », indique Chérif Hamadi, président de cette nouvelle structure gestionnaire de la quasi-totalité des parcelles, l’une étant réservée à des actions pédagogiques et l’autre dédiée à l’association Sabrina.
Un quartier fertile en projet au Mas de Mingue
Dans ce secteur, c’est un parc d’agriculture urbaine de 2 hectares qui va se substituer à l’ancien collège et à l’école Albert Camus. Dans cette zone inondable du cadereau du Valat, il aura vocation à créer une activité productive et marchande ainsi que des jardins partagés, pédagogiques et familiaux. Dès 2023, la Ville va délimiter les parcelles et les aménager pour ensuite recruter, avec la Chambre d’agriculture, un agriculteur engagé dans une démarche environnementale qualitative. En attendant, l’association Comité d’Intérêt Local se mobilise pour initier des actions de jardinage collectif, en commençant par la construction, la pose et l’entretien de jardinières qui fleurissent en différents lieux du quartier depuis fin mars.
29 hectares de friches agricoles et horticoles valorisées
L’aménagement du mas Lombard va réserver 15 hectares à des espaces de jardins partagés, collectifs, d’agroforesterie et pédagogiques. Une démarche partenariale réunissant notamment la Chambre d’agriculture et la Fédération des jardins familiaux a ainsi été initiée par la Ville pour déterminer les modalités d’usage de cette zone qui verra renaître une activité agricole de ceinture urbaine, avec la mise à disposition de terres à un exploitant. La réalisation du parc urbain Jacques Chirac sur les anciennes pépinières Pichon est un autre projet de valorisation d’un patrimoine horticole. Sur cet ensemble foncier de 14,5 hectares, la Ville va proposer un parc public aux qualités paysagères préservant l’histoire du lieu : à travers le choix de variétés évocatrices du passé séricole nîmois, des cultures papetières et vivrières, ou encore l’ajout de parcelles réservées aux jardins partagés et pédagogiques.
Les jardins familiaux, une tradition nîmoise.
« L’AOC Costières de Nîmes s’étend sur 23 000 hectares, représente 84 caves et commercialise 21 millions de bouteilles chaque année. Notre syndicat permet de défendre ce terroir contre tout projet qui viendrait à le réduire ou l’altérer.68 % des surfaces affectées en AOC Costières de Nîmes sont aujourd’hui sous un label environnemental (biodynamie, agriculture biologique, haute valeur environnementale…). Le cahier des charges de l’ AOC limite notamment les entrants azotés et interdit le désherbage chimique. »
Aurélie Pujol,
directrice du Syndicat des Costières de Nîmes
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16 parcelles de 70 m2 ont été aménagées à Pissevin