DOSSIER
Cap sur la biodiversité
Notre désir de nature n’a jamais été aussi fort : depuis un an, les espaces verts et naturels de la ville sont pleins chaque week-end. Cette tendance s’accentue avec l’arrivée des beaux jours et le peu d’alternatives de loisirs autorisés en période pandémique. C’est aussi l’occasion de constater à quel point cette nature nous est vitale, à notre espèce comme à toutes les autres. La biodiversité est menacée à l’échelle mondiale, raison de plus pour s’engager localement pour sa protection.
C’est à nos sens que s’adresse une nature vivante et en bonne santé : chants d’oiseaux, de batraciens, bourdonnements d’insectes, envolées de couleurs à chacun de nos pas faisant voler sauterelles et papillons, arômes végétaux issus d’une palette diversifiée… Si cette symphonie est au rendez-vous, dans nos jardins et nos garrigues, on peut être rassuré et dans le cas contraire, s’en inquiéter. L’être humain ne saurait oublier qu’il fait partie d’une chaîne d’espèces et d’un écosystème dont il dépend étroitement. Au premier chef, son alimentation dépend des pollinisateurs. S’engager pour la préservation de la biodiversité, aujourd’hui mise à mal par nos activités humaines polluantes et par la réduction des surfaces naturelles, est donc vital. D’autant que notre région constitue un « hot spot » reconnu de biodiversité, en raison de la diversité des milieux qu’elle abrite.
Une prise en compte croissante à Nîmes
Dotée d’une équipe dédiée, la Ville a récemment étoffé son service biodiversité et espaces naturels de compétences scientifiques et d’ingénierie pour élargir son champ d’action. Chargé du suivi des espaces naturels, ce service veille à l’entretien et à la gestion des sites en partenariat avec l’Office national des forêts et à la bonne santé du patrimoine naturel nîmois. Il a pour mission de sensibiliser le grand public, à travers des animations régulières. Idées reçues, salades sauvages, observation des chauves-souris, découverte des oiseaux des Jardins de la Fontaine…, des sorties nature sont proposées chaque année au grand public et aux scolaires. Son expertise est au service de toutes les actions de la Ville qui s’est donné pour objectif de prendre en compte la biodiversité dans différents domaines.
« 17 % des espèces sont menacées en France, dont le tiers des oiseaux nicheurs, des crustacés d’eau douce et 23 % des amphibiens »
Liste rouge des espèces menacées, Office français de la biodiversité,
3 mars 2021
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– 80 %
de zones humides en cinquante ans
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– 40 %
de chauves-souris depuis 2010
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80 %
des insectes volants ont disparu en Europe
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1 080
hectares d’espaces naturels nîmois
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30
sorties nature par an
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50
jardins pédagogiques
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Un territoire engagé pour la nature
Reconnue depuis janvier « Territoire engagé pour la nature » par l’Agence Régionale de la Biodiversité Occitanie, la Ville s’engage à réaliser de nouvelles actions pour les trois prochaines années.
Les prairies mellifères semées dans les espaces naturels (au Clos de Gaillard sur notre photo) vont privilégier les variétés uniquement locales.
Par l’intermédiaire de l’ensemble du réseau d’acteurs associatifs et institutionnels œuvrant à Nîmes sur ce thème, concerté par le Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement du Gard, Nîmes va se doter d’ici 2023 d’une stratégie territoriale concertée pour préserver et améliorer la biodiversité locale. Une feuille de route collective qui sera entièrement adaptée à nos enjeux locaux.
Gestion différenciée des espaces verts et naturels
Ce label invite à élaborer de véritables plans de gestion différenciés pour l’entretien des espaces verts et naturels municipaux, avec des interventions modulées en fonction des lieux : actives dans les parcs et jardins et très mesurées pour les espaces naturels, afin de permettre un développement en faune et flore locales. Cette gestion différenciée est déjà en partie pratiquée à Nîmes depuis plus de cinq ans. Elle privilégie, là où cela est possible, la fauche tardive, qui permet aux oiseaux de se nourrir grâce aux insectes abrités par les herbes hautes, mais aussi la rotation des mises en herbe, le semis de prairies mellifères avec des variétés locales, le maintien à l’état naturel des pieds d’arbres, la diversification des milieux (ouverts, semi ouverts et fermés), la création de lavognes pour la collecte d’eau de pluie…
Palettes végétales locales
La pépinière municipale, déjà entièrement zéro phyto, va produire des plantes issues de collectes en milieu naturel local pour être réintroduites sur les aménagements nîmois, au lieu de voir se multiplier des variétés exotiques peu adaptées voire néfastes à la biodiversité locale. Les vergers municipaux des Mas d’Escattes et du Clos Gaillard sont candidats quant à eux au label « Haute qualité environnementale » en reconnaissance de leur gestion écologique.
UN LABEL AMBITIEUX
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Le programme « Territoires engagés pour la nature » promu par l’Office français de Biodiversité vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d’action en faveur de la biodiversité. 217 collectivités ont initié ce programme, dont Nîmes.
+ de 300
espèces inventoriées sur les sites municipaux
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« L’ouverture du parc des Terres de Rouvière est prévue courant mai.»
Chantal May,
adjointe déléguée à la végétalisation, au parcs et jardins et aux jardins partagés
100 % zéro phyto
Précurseure dans l’arrêt progressif des produits phytosanitaires, aujourd’hui interdits, la Ville a cessé d’utiliser tout produit chimique dans ses espaces verts et pour le désherbage de la voie publique dès 2016. « Depuis l’année dernière, elle a également supprimé cette pratique dans les cimetières. Seule exception ponctuelle : l’entretien des terrains sportifs qui nécessite parfois le recours à des produits permettant de lutter contre les parasites des pelouses », déclare Chantal May, conseillère déléguée à la végétalisation, aux parcs et jardins et jardins partagés. Engagée dans la démarche « Objectif Zéro phyto », la Ville espère obtenir sa première labellisation en fin d’année et poursuivra ses efforts pour obtenir le graal ultime du label, « Terre saine ». Désherbage thermique ou mécanique sont désormais la norme. Et si nous acceptions un peu mieux ces « sauvages de la rue » contributives de biodiversité ? En effet, de nombreuses espèces de pollinisateurs, chassés des campagnes par les pesticides, trouvent refuge en milieu urbain.
Faire progresser l’égalité
À la faveur du confinement, un inventaire a été mené par le service Biodiversité. Conduites aux heures chaudes pour les insectes, à l’aube pour les oiseaux et le soir pour les amphibiens, ces premières observations ont été effectuées sur les principaux sites naturels publics municipaux. Cette année zéro servira de repère pour évaluer l’évolution des populations décelées et engager des actions concrètes « La présence des orthoptères (criquets, sauterelles, grillons) est le point de repère principal pour présager de la biodiversité, car c’est le réservoir alimentaire des espèces locales », indique Julie Chauvin, responsable du service Biodiversité. Plus de 300 espèces sauvages animales et végétales ont d’ores et déjà été identifiées.
Pascale Venturini,
adjointe au maire déléguée à l’Environnement, à la Transition écologique, aux Énergies renouvelables et au Chauffage urbain
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La protection de la biodiversité est-elle une priorité pour la municipalité ?
Tout à fait, mais on ne part pas de zéro. Cette préoccupation n’est pas nouvelle. La gestion différenciée des espaces verts, l’arrêt des produits phytosanitaires avant la date légale, l’éducation à l’environnement ou la mise en œuvre des mesures compensatoires pour les aménagements urbains sont déjà pratiqués à Nîmes. Le respect de la biodiversité est un aspect des actions que nous menons pour la protection de l’environnement.
Sur quels dossiers travaillez-vous actuellement ?
Ces thématiques vont faire l’objet d’une collaboration renforcée avec Nîmes Métropole dans le cadre de son Plan Climat Air Énergie partenarial. Nous voulons travailler main dans la main pour mettre en commun nos objectifs, car il faut être à la fois ambitieux et pragmatique. Nous préparons aussi pour 2022 une exposition avec le Muséum d’Histoire naturelle sur ce thème.
Cohabiter en harmonie
Aménager en préservant la biodiversité et sensibiliser les publics au respect et aux bons gestes sont des leviers majeurs pour faire évoluer les mentalités.
Au secours des zones humides
Jusqu’au 31 mai, la Fédération des conservatoires d’espaces naturels met l’accent sur la protection des zones humides avec Fréquence Grenouille pour tenter d’enrayer la diminution préoccupante des populations d’amphibiens en France (- 28 % en douze ans). En cause : la disparition de leur habitat mais aussi l’introduction de poissons exotiques dans le milieu naturel. La restauration de mares, de sources, l’installation de crapauducs pourraient prochainement débuter à Nîmes.
Finis les plannings de travaux où la date de délivrance est entièrement conditionnée à la satisfaction des usagers. Il est impératif de prendre aussi en compte les cycles de la nature, les périodes d’activités, de reproduction voire d’hibernation des multiples espèces également occupantes.
Une affaire prise très au sérieux par une réglementation pointue ainsi que par la Ville qui mobilise l’expertise de son service biodiversité pour accompagner ses projets urbains. Nouveau quartier de Puits de Roulle ou de Védelin, voie urbaine sud, rénovation urbaine des quartiers prioritaires : leurs connaissances scientifiques sont sollicitées pour évaluer les audits faune et flore préalables, accompagner les demandes d’autorisation environnementale auprès des services de l’État, avec parfois un passage en commission nationale. La mise en œuvre de mesures compensatoires, le prélèvement d’espèces pour les réimplanter dans un milieu protégé, le suivi écologique des travaux ou des zones sanctuarisées de compensation sont aussi accompagnés par leurs soins… Actuellement douze dossiers sont ainsi en cours à Nîmes.
Mesures compensatoires
Toute perturbation engendrée pour la faune ou la flore doit être compensée. En fonction de la rareté des espèces observées et impactées, il peut être nécessaire de recréer leurs habitats avec un coefficient pouvant aller jusqu’à dix fois la surface détruite, résultats quantifiés à l’appui. « Il est parfois difficile de trouver un site adéquat pour recréer un habitat d’espèce impactée : si l’on choisit une zone naturelle, on risque de perturber l’éco-système en place », explique Julie Chauvin, écologue municipale. La planification des travaux d’aménagement prend également en compte les périodes d’activité de la faune et sont réservées aux périodes hivernales : « Si on ne respecte pas ces calendriers, on est parfois obligé de différer les aménagements de quelques mois. »
« Le CPiE du Gard porte un projet de plateforme des acteurs et des actions en faveur de la biodiversité qui viendra enrichir la stratégie Biodiversité réfléchie par la Ville de Nîmes. C’est une véritable nouveauté qui permettra de faire progresser la prise en compte de la biodiversité. »
Audrey Mussetta, Directrice adjointe du CPIE*
du Gard
*Centre permanent d’Initiatives pour l’Environnement
« Chacun peut contribuer à la biodiversité : en laissant un espace en herbes hautes dans son jardin, ou un tas de bois dans un coin, en conservant des haies touffues ou même en posant un petit fagot de bambous sur son balcon pour héberger des pollinisateurs. »
Sylvain Bidot,
éducateur municipal à l’Environnement
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Des nichoirs en ville
150 nichoirs ont été installés dans les espaces verts, naturels mais aussi en plein centre-ville, pour faciliter l’implantation des mésanges, friandes de la chenille processionnaire. L’inventaire de ces habitats montre un taux d’occupation de 70 % au Clos Gaillard. Des gîtes à chauves-souris sont également implantés au Clos Gaillard ou au Mas de Mingue où
se développent des colonies (la démolition d’un bâtiment du collège
Jules Vallès a ainsi dû être différée suite au constat d’une implantation
de martinets et d’une centaine de chauves-souris !).
Sensibiliser les citadins
Le respect de la biodiversité reste néanmoins l’affaire de tous : elle passe aussi par l’éducation à l’environnement et le bon comportement face aux cycles et milieux naturels. Sylvain Bidot, éducateur à l’environnement de la Ville, intervient toute l’année auprès des scolaires, des centres de loisirs ou encore des clubs seniors et associations, pour des prestations sur mesure comme des jardins pédagogiques ou des sorties. La formule « Les CM2, dehors ! » invite les élèves nîmois à une découverte d’un espace naturel près de leur école. Durant deux heures, les jeunes citadins bénéficient d’une initiation, voire d’un premier contact pour certains. « L’objectif est de leur montrer qu’à deux pas de chez eux il existe une biodiversité à laquelle on peut être attentif. J’essaie de leur donner le déclic », explique Sylvain Bidot.
Trois sorties nature (annulé pour cause de confinement) :
Dimanche 11 avril : « Quand le printemps sublime la garrigue », à 10h au Clos Gaillard. Samedi 17 avril à 10h au Bois des Espeisses : « Des idées (reçues)
de fada ! ». Mardi 20 avril, à 20h au domaine d’Escattes : « Balade nocturne à saut de grenouilles » (sous réserve de la levée du couvre-feu). Public familial – Gratuit, inscription au 04 66 27 76 37.