L'ACTUALITÉ DE LA VILLE DE NÎMES

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Madeleine Brès, pionnière
de la médecine
au féminin

Un timbre édité en janvier 2021 rend hommage à cette Gardoise qui fut la première femme docteure en médecine, trop tôt cependant pour avoir le droit d’exercer. Une vocation professionnelle précoce, née à l’hôpital de Nîmes, qu’elle poursuivit en dépit des obstacles sexistes de l’époque. Le 8 mars est aussi l’occasion de lui rendre hommage.

Le récit de sa vie souvent pointée en exemple est toujours élogieux, comme une construction héroïque illustrant les difficultés des femmes à accéder à leurs droits il y a à peine 150 ans. Mais l’histoire de cette Nîmoise d’exception, qui accéléra (à ses dépens) l’accès des femmes à la médecine, servit de modèle et de levier aux forces progressistes du XIXe siècle, reste profondément poignante.

Une vocation précoce

Madeleine Alexandrine Gébelin est née en 1842 à Bouillargues dans un milieu modeste. À l’âge de 8 ans, elle accompagne régulièrement son père artisan sur des chantiers qu’il effectue à l’hôpital Hôtel Dieu de Nîmes. C’est là qu’elle découvre son intérêt pour la médecine et les soins : prise en affection par l’une des religieuses, elle suit, revêtue d’un tablier blanc, le service du médecin et donne aux malades la tisane et le bouillon. Elle est même autorisée à participer à de petits soins comme la confection de cataplasmes. Enthousiasmée par cette expérience, elle songe à consacrer sa vie à la guérison ou au soulagement des malades. Mais comme pour toutes les femmes de son époque, l’accès aux études supérieures est alors impossible.

Un parcours d’exception

Lorsqu’elle a 12 ans, Madeleine Brès et sa famille déménagent à Paris.
À 15 ans, elle se marie à Adrien-Stéphane Brès, conducteur d’omnibus. Elle prend audience auprès du doyen de la faculté de médecine, Charles-Adolphe Wurtz, l’un des 72 scientifiques dont le nom figurera sur la tour Eiffel, pour qu’il accepte son inscription. Impressionné par sa détermination, ce dernier l’invite à s’inscrire tout d’abord au baccalauréat de lettres et de sciences. Nous sommes en 1866 et Madeleine a 24 ans. Son mari lui accorde l’autorisation de s’inscrire en candidate libre et elle obtient l’examen. En 1868, le doyen Wurtz sollicite que soit examinée la requête de Madeleine Brès en Conseil des ministres.

Lequel réunit ce jour-là, heureux concours de circonstances, le ministre de l’instruction publique Victor Duruy, partisan de l’éducation des jeunes filles et l’impératrice Eugénie, fervente féministe. Celle-ci, se référant à la loi proclamant la liberté du travail, obtient l’inscription de Madeleine Brès. Cette année-là, trois autres femmes étrangères s’inscrivent à la faculté de médecine, outre Madeleine Brès. Des voix hostiles s’élèvent dans le milieu professoral et estudiantin, arguant de l’incapacité naturelle des femmes à devenir médecins et leur imposant de s’asseoir à l’écart, les bombardant de projectiles ou les accueillant sous les huées.

Première femme française docteure

Au cours de la guerre franco-allemande de 1870, Madeleine Brès est interne provisoire à la Pitié Salpêtrière auprès du professeur Paul-Pierre Broca, qui chantera lui aussi ses louanges. Veuve et mère de 3 enfants, elle tente de s’inscrire au concours d’externat en 1871, mais se voit opposer un refus catégorique, du fait même de son parcours, de sa notoriété et des manifestations et pétitions en sa faveur. Malgré cela, Madeleine Brès poursuit ses études jusqu’au doctorat. En 1875, elle soutient une thèse remarquée sur l’allaitement, démontrant que la composition du lait maternel change en fonction des besoins de l’enfant. Elle est donc la première femme française docteure, à l’âge de 33 ans, sans pour autant se voir autorisée à exercer. Mais c’est sa réussite qui accélère, grâce à une mobilisation sociale, l’ouverture des femmes à la médecine cinq ans plus tard. Quant à elle, elle se spécialise dans la relation mère/enfant, dans le domaine de l’hygiène des tout-petits, forme les directrices et personnels des écoles maternelles et crèches municipales de Paris puis fonde son propre établissement en 1885. Le ministère de l’Intérieur lui confie une mission d’analyse des crèches en Suisse en 1891. Mais ses 50 ans de carrière et de popularité ne l’empêcheront pas de mourir dans la pauvreté, oubliée de tous, à Montrouge, en 1921.

L’hôpital de Nîmes fut le berceau de la vocation de la jeune Madeleine. Crédit Collection Georges Mathon

Un timbre à l’effigie de Madeleine Bres est disponible dans les bureaux de Poste depuis le début de l’année.

« Pour être médecin, il faut avoir une intelligence ouverte et prompte, une instruction solide et variée, un caractère sérieux et ferme, un grand sang-froid, un mélange de bonté et d’énergie, un empire complet sur toutes ses sensations, une vigueur morale, et au besoin, une force musculaire (…) Ces qualités ne sont-elles pas au contraire de la nature féminine ? »

G. Richelot,
La femme-médecin, 1875.

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LES FEMMES JURIDIQUEMENT INFÉRIEURES JUSQU’EN 1938

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En 1804, le Code civil institutionnalise l’infériorité des femmes qui doivent obéissance à leur père puis à leur mari. S’il faut attendre 1861 pour que le baccalauréat s’ouvre aux femmes en candidates et 1868 pour qu’elles puissent accéder aux études de médecine (les concours d’externat et d’internat ne leur seront ouverts qu’en 1882 et 1886), ces obtentions de diplômes sont soumises à l’accord du père ou de l’époux. Ce n’est aussi qu’en 1881 que la scolarité laïque et gratuite devient obligatoire pour les fillettes. L’irresponsabilité juridique de la femme ne sera levée qu’en 1938. Il faut encore attendre 1965 pour qu’une femme mariée puisse jouir librement de son salaire, de son compte en banque et de ses biens.