Histoire de l’école
à Nîmes
Les 19 et 20 septembre, les Journées européennes du patrimoine mettent à l’honneur l’éducation. Une occasion de se pencher sur l’histoire de l’école à Nîmes.
Une école de garçons à Nîmes en 1955. © Hervé Collignon
Contrairement à la légende, ce n’est pas Charlemagne qui a inventé l’école. La transmission organisée du savoir remonte au moins à l’invention de l’écriture. Durant des siècles, elle se fait individuellement de maître à élève. Si la seule école connue de l’antiquité nîmoise est l’école de gladiature, l’instruction était certainement active dans les familles aisées de la colonie romaine, les précepteurs intervenant à domicile. Elle sera ensuite religieuse, jusqu’aux lois de Jules Ferry. Les consuls de Nîmes confient dès le XIIIe siècle cette mission à un chanoine capiscol (chef d’école), dans l’enclos de la cathédrale, où cohabitent une synagogue et son école propre. En 1522, la commune augmente les salaires des enseignants pour les retenir durant les épisodes de peste, puis érige les écoles en collège dès 1534 dans la rue de l’École Vieille.
Le collège des arts, lieu d’excellence
À partir de 1539 est créé le collège des arts, sous l’impulsion de Margueritte de Navarre, sœur de François 1er : il acquiert rapidement une forte notoriété sous l’influence des recteurs protestants Claude Baduel, Guillaume Bigot et Jean de Serres. C’est un lieu de diffusion des idées de la Réforme, mais aussi d’une nouvelle façon d’enseigner, fondée sur les œuvres classiques, avec des exercices gradués, de dialectique et de rhétorique. À partir de 1634, des professeurs jésuites intègrent progressivement le collège jusqu’à en prendre la direction exclusive sur ordre du Roi. Des écoles de jeunes filles, comme le couvent des Ursulines, sont créées pour convertir les jeunes huguenotes au forceps. L’école est utilisée pour combattre le « mal protestant » à la racine. Le collège des Jésuites devient lycée de garçons avant de devenir en 1882 une bibliothèque et un musée.
L’avènement de l’école populaire
L’école pour tous à la charge de la Nation, idée révolutionnaire à laquelle a contribué le Nîmois Rabaut de Saint-Étienne, est néanmoins dénuée de moyens jusqu’aux lois Guizot (autre Nîmois). Un lycée public de garçons est tout de même créé dès 1802, suivi plus tard d’un lycée de jeunes filles à l’Hôtel Rivet (il déménagera en 1926 à Feuchères). L’élite protestante initie l’enseignement mutuel gratuit tandis que la municipalité réinstalle l’enseignement catholique. Une émulation-compétition se développe au bénéfice d’une instruction de qualité, conçue comme un instrument d’influence mais aussi de civilisation du petit peuple dans une société meurtrie par deux siècles d’émeutes.
En 1840, 12 écoles accueillent plus de 2 700 élèves. Une école normale masculine est créée puis en 1883 une école normale de filles. Une génération d’enseignants embrassant précocement les valeurs de l’école républicaine y est formée.
L’école de la République
Avec les lois de Jules Ferry émerge l’école obligatoire pour garçons et filles de 3 à 13 ans, moderne et laïque. Une campagne de construction est lancée pour scolariser tous les jeunes Nîmois et asseoir les valeurs républicaines, fragiles. L’école Berlioz, restée intacte, le démontre : conçue par l’architecte Max Raphel, c’est une école moderne et novatrice en termes d’hygiène et de conception, qui arbore sur sa façade l’emblème de la République comme toutes les écoles publiques de l’époque (Mont Duplan, Oratoire, Grézan, Croix de fer…). On y fait la chasse au patois occitan : le nouveau régime doit se construire un langage commun. L’enseignement de l’Histoire, centré sur les héros de la nation (Vercingétorix, Jeanne d’Arc…) appuie ce dessein d’unification nationale à travers l’école. Fin XIXe, les écoles confessionnelles restent cependant majoritaires à Nîmes où elles sont aujourd’hui encore très présentes.
L’école de la Calade
L’École de fabrication fondée par la municipalité en 1820, sous la pression des industriels nîmois du textile, avait pour objectif de former des ouvriers spécialisés dans le dessin et la fabrication des châles et mieux concurrencer les Lyonnais. Gratuite, elle enseignait également la chimie (pour la teinture), la géométrie (pour le dessin). Son activité décline peu à peu avant son transfert au lycée Dhuoda en 1936.
Baby boom
Après la Deuxième Guerre mondiale, Nîmes voit sa démographie augmenter, qui plus est dans les années 60 avec l’arrivée des rapatriés d’Afrique du Nord. De nombreuses écoles sont construites sous la municipalité d’Edgard Tailhades, le nombre d’élèves passant de 8 000 à plus de 14 000. À cette époque, l’école a lieu du lundi au samedi soir, avec relâche le jeudi réservé à l’instruction religieuse, la plupart des écoles ne sont pas encore mixtes. Après 1968, la pédagogie va beaucoup évoluer au profit de l’échange avec les élèves.
Pour en savoir plus
nimes.fr
animesmonete.fr
François Guizot, un Nîmois à l’origine de l’école moderne
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Né en 1787 d’une famille protestante cévenole, il quitte Nîmes à 7 ans pour suivre des études à Genève. Historien professeur à la Sorbonne, il devient un homme d’État sous la monarchie constitutionnelle. La loi Guizot de 1833 impose la création d’une école primaire par commune et améliore l’accès à l’enseignement des classes populaires.
Rentrée des classes à l’école Berlioz, 1968. © Hervé Collignon
Danièle Jean et Francine Cabane,
autrices de Nîmes au fil de l’Histoire (Ed. Alcide 2019)
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Que raconte l’histoire de l’école à Nîmes ?
C’est un exemple de l’histoire de l’instruction en général qui durant tout le Moyen-âge poursuit un but d’éducation à la religion. La Révolution française marque une rupture idéologique avec l’école laïque pour tous mais il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour qu’elle commence à prendre corps. Nîmes est très marquée par le protestantisme qui encourage l’instruction des garçons comme des filles dès le XVIe siècle. L’école cristallise durant plusieurs siècles des enjeux idéologiques forts.
Ce livre est-il un manuel d’histoire sur Nîmes ?
Anciennes professeures d’Histoire à Nîmes, nous avons à cœur de transmettre sa profonde richesse patrimoniale, qui nous passionne depuis des années. La pédagogie passe par l’émotion et c’est pourquoi nous emmenions nos élèves découvrir ce patrimoine sur place, pour donner une épaisseur et une compréhension aux lieux anciens de la ville. Le livre fait de même, il part d’un lieu ou d’un personnage pour évoquer une époque, donc c’est plutôt une visite guidée à travers les siècles.